CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal cas #876
Bonsoir,
Dans les derniers jours, j’ai travaillé à Grace Dart à titre d’infirmière de main-d’œuvre indépendante. Je travaille à Grace Dart régulièrement depuis 2013. C’est un excellent centre de soins prolongés. Par contre aujourd’hui j’ai décidé de mettre fin à mon remplacement qui se terminait le 31 mai 2020. Voici ce qui a motivé ma décision :
1. Je change continuellement d’unité passant de zone rouge à zone jaune. Clairement malgré leur bonne volonté, l’équipe de direction( un chef d’unité et un chef d’activités) ne peut faire autrement. Je met donc à risque collègues et patients.
2. Aujourd’hui, suite à une intervention externe, on a ajouté des lieux, maintenant l’habillage se fait près du poste des coordonnateurs c’est peu pratique car on ne peut pas respecter la distanciation sociale. Ce matin, la règle était que les zones rouges fassent l’habillage à ce poste, et que les autres montent sur leur étage jaune. À 15h30, cela avait changé. Tous devaient revêtir l’épi à cet endroit. La nouvelle règle, même dans les postes infirmiers réputés zone verte, on porte un épi et par conséquent on contamine le peu de zone verte restant dans l’établissement.
3. On nous a interdit de monter sur les étages avec nos effets personnels et pas de lieux sécuritaires pour les déposer. Ils sont en rupture de stock concernant les verres. Il n’y a pas d’abreuvoir sur les unités. Est-il besoin de mentionner qu’avec le double habillage qui est imposé, le port du masque et de la visière, il fait très chaud, mais pas moyen de boire de l’eau. Je ne suis pas la seule à s’être sentie mal, céphalée, étourdissements, fatigue. En sortant, j’ai pris un litre et demi de liquide en moins d’une heure tellement j’étais déshydratée.
4. Concernant le port des vêtements de l’établissement, ce ne sont pas toutes les tailles qui sont disponibles. J’ai l’habitude me vêtir convenablement et d’avoir suffisamment d’amplitude pour me mouvoir. Je refuse de revêtir des vêtements trop petits, trop ajustés.
5. La désinfection quotidienne des lieux n’est pas faite. La désinfection des chambres n’est même pas faite et basée par exemple sur une désinfection post C-diff. Ce qu’on fait on nettoie sommairement les meubles, tout le reste n’est pas nettoyé. On n’a pas investi pour augmenter le nombre d’employés pour l’entretien ménager. Dans un tel contexte comment protéger résidents et employés? Il n’est donc pas surprenant de voir des gens devenir positif covid 19 tant chez les résidents que chez le personnel. Pourtant c’est le personnel qui est blâmé, ce sont eux qui ne comprennent pas.
6. Il y a pénurie de matériel. Hier pour faire l’installation d’un soluté, j’ai du vérifier les réserves de 4 départements différents (rouge, ou jaune). Ce matin pour être en mesure de poursuivre ce soluté, pour une résidente changée d’unité, j’ai eu besoin d’une permission spéciale du chef d’unité en place pour pouvoir aller chercher le matériel que j’avais mis de coté pour elle sur une unité dite rouge. Une heure de temps perdu pour 2 litres de soluté, 1 vial de rocephin et des pochettes de 100 ml de NS.
7. Sur l’unité ou j’étais, l’infirmière auxiliaire est arrivée 2 heures plus tard que prévue, elle se serait trompée d’unité (???), était nouvelle graduée, ne connaissait pas la clientèle. Je n’avais que 3 préposés, une d’un coté et deux de l’autre. J’ai eu beau demandé d’obtenir une aide de service, il n’y en avait pas de disponible. Étrangement par contre, la police des épi, elle, était très bien organisée. 6 employés à un point de contrôle à 10h30 à jaser bien assis, alors que les employées du 3ème couraient comme des poules pas de tête pour terminer les déjeuners et les soins d’hygiène. J’ai aussi travaillé comme auxiliaire pour la distribution des médicaments du coté ouest.
8. Tout soin prend plus que le double du temps à être fait, faute de personnel, de matériel et/ou faute des épis. Avec les médecins d’hôpitaux qui ne connaissent pas la réalité des CHSLD et prescrivent comme en CH en temps normal, j’ai la langue à terre de chercher du matériel, des médicaments pour les satisfaire.
9. L’urgentologue s’est installée à mon poste de travail en début de pm. Elle a mis ses choses par-dessus les miennes (!). Ordonnances, changement d’ordonnances alors qu’un médecin gériatre fait le suivi quotidien la semaine. Elle utilisait nos outils de travail ex cahier de médicaments ce qui limitait ma capacité à relever ses ordonnances. À 15h15, elle dit qu’il faut faire un prélèvement covid 19 sur un résident. Cherche le bon formulaire, explique au patient le pourquoi de ce prélèvement (résultats non reçu du labo), prélèvement, acheminement du prélèvement à la réception, puis on remonte sur l’unité pour continuer et donner le rapport, faire le décompte des narcotiques. La course et les risques d’oubli, j’ai d’ailleurs du téléphoner à l’unité car je ne l’avais pas inscrit au rapport qui était sous la pile de dossiers du médecin.
10. C’est le deuxième centre que j’aide depuis le début du mois d’avril (CHSLD Lasalle). Le niveau de désorganisation que j’ai observé aujourd’hui, la pénurie de matériel, la pénurie de personnel, le mécontentement du personnel en place, les pertes de temps à chercher du matériel ou à tenter de rejoindre les chefs pour obtenir du personnel, l’impossibilité de s’hydrater à moins de contourner les règles, un épisode de colère ce matin du chef d’unité me disant que je ne voulais pas travailler (épisode qui a débuté lorsqu’on m’a empêchée de monter mes effets personnels dans le poste infirmier d’une unité jaune et ou j’expliquais mon désaccord et mon écoeurite de ce contexte impossible, j’ai d’ailleurs du mettre mes effets dans ma voiture). Je comprends très bien que tous soient à cran, moi comprise.
11. Tout cela m’a amenée à réévaluer ce mandat en fin de quart et à prendre la décision d’y mettre fin. Ma santé morale, psychologique et physique y est trop à risques.