L’ère du partenariat d’affaires en santé
Lettre d’opinion de la Coalition Solidarité Santé, dont la FIQ est membre depuis plusieurs années, publiée dans le journal Alternatives (vol. 14, no 6, mars 2008)
Le rapport Castonguay aussitôt publié, la Coalition Solidarité Santé a demandé au gouvernement québécois et aux partis d’opposition de le rejeter, le jugeant inacceptable. Alors qu’il prétend vouloir assurer la pérennité du système public de santé et de services sociaux, monsieur Castonguay prescrit des remèdes qui s’inscrivent dans les perspectives de privatisation du système de santé et de services sociaux. De plus, nous pouvons affirmer que ce rapport échafaude les bases d’un véritable manifeste néolibéral en matière de santé au Québec. Il aura fallu cinq années de règne du gouvernement de Jean Charest pour voir en fin le chat sortir aussi franchement du sac.
Après une série d’électrochocs administrés avec brio par le ministre Couillard visant à neutraliser le caractère public du système de santé et de services sociaux, celui-ci est enfin prêt pour recevoir les remèdes de monsieur Castonguay. Bien sûr, monsieur Couillard a rejeté plusieurs éléments du rapport, quelques heures à peine après son dépôt public. Cependant, plusieurs commentaires de ministres apparaissaient confus et ne nous rassurent guère sur les intentions du gouvernement libéral en matière de privatisation des soins de santé et services sociaux. Qui plus est, l’opposition officielle, l’ADQ, endosse entièrement les orientations de Castonguay. Par ailleurs, la dissension anémique de monsieur Venne à ce rapport ne suppose pas une opposition très forte du Parti Québécois.
Il ne faut pas oublier surtout que la table est mise depuis plusieurs années par le ministre Couillard pour la privatisation. En effet, en 2003, celui-ci mettait en place la structure favorisant les partenariats public-privé. Il légalisait en 2006, avec la Loi 33, la participation du secteur privé dans la fourniture de services et l’achat d’assurances duplicatives. En décembre dernier, il passait en catimini un règlement élargissant la liste des opérations praticables en cliniques privées. Et, autre signe qui ne ment pas, dès le lendemain du dépôt du rapport, monsieur Castonguay était reçu favorablement par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain à l’Hôtel Delta.
Le mandat et les propositions du comité Castonguay
Le comité Castonguay devait trouver de nouvelles sources de financement pour le système de santé et préciser quel pourrait être le rôle du privé. Ainsi, partant de la prémisse que les dépenses publiques sont incontrôlables et que la « mondialisation est l’une de ces réalités nouvelles que nous devons intégrer dans notre vision de notre système de santé », le comité propose une série de recommandations qui doivent permettre de réduire, « sur un horizon de cinq à sept ans, […] la croissance publique des dépenses de santé de manière à ce que celle-ci n’excède pas le taux de croissance de la richesse collective ».
Vrais problèmes, fausses solutions
Pour la Coalition, il est clair que la solution pour récupérer de l’argent, freiner les dépenses, ou même améliorer l’accessibilité ne peut pas se faire avec la contribution du privé. Là où le privé joue un rôle important, les dépenses de l’État sont hors de contrôle. Ainsi, pendant que les compagnies pharmaceutiques affichent des profits records, les dépenses en santé augmentent. Pendant que les agences de placement privé poussent comme des champignons, la pénurie s’accentue dans le secteur public. Si on permet aux médecins de travailler à la fois dans le public et le privé, comme le propose le comité, en plus de saigner le secteur public de ses ressources médicales, on ouvre la voie au développement d’un système parallèle qui ne permettra pas de répondre aux besoins de santé de la population de façon équitable et efficace.
La Coalition Solidarité Santé réfute donc totalement le recours accru au privé et la contribution des usagers mis de l’avant par le groupe Castonguay. Aux problèmes publics existent des solutions publiques que le rapport Castonguay a complètement ignorées comme, par exemple, des expériences visant à résorber les listes d’attente pour les chirurgies de la cataracte à Québec et à Montréal. Ce rapport va donc à l’encontre de toutes les études des dernières décennies, aussi bien québécoises, canadiennes, qu’internationales, démontrant que le privé constitue davantage un problème qu’une solution.
Du contrat social au contrat d’affaires
La Coalition conteste haut et fort le nouveau contrat social proposé par le comité Castonguay, sans débat public, qui redéfinit les valeurs d’universalité, d’accessibilité et de justice sociale à la lumière de l’efficacité, la responsabilité et la liberté. Ce sont des valeurs néolibérales qui prennent le relais, ravalant la santé à une marchandise comme les autres. La santé n’est plus considérée comme un droit humain fondamental dont l’État doit être le garant, mais comme un bien de consommation qui doit être soumis aux forces du marché.
La population passera à la caisse
Plusieurs des propositions du groupe Castonguay font en sorte que la population va « passer à la caisse », un recul innommable par rapport aux acquis de la solidarité. De plus, ces propositions serviraient à augmenter le coût global du système de santé.
Des sources publiques de financement existent, dont le milliard d’argent fédéral, dédié à la santé, reçu pour compenser le déséquilibre fiscal. Cet argent devrait être investi immédiatement et entièrement dans le système public québécois.
Pour la Coalition, les frais directs, appelés franchises ou tickets modérateurs, n’ont pas leur place, car ils provoquent des inégalités en termes d’accessibilité, et ne sont pas des solutions efficaces aux problèmes de financement. Au fil des rapports Clair, Rochon, Ménard, ces formules de taxation régressives ont été maintes fois rejetées au profit d’une fiscalité redistributive.
À surveiller
La Coalition appelle à la vigilance sur plusieurs éléments de réformes dans le système de santé qui pourraient être introduits dans les mois qui viennent :
- Les accords commerciaux doivent être sous haute surveillance puisque le comité Castonguay reconnaît dans la préface de son rapport qu’il avait reçu un mandat de la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, de rendre le secteur de la santé conforme aux nouvelles règles de libéralisation des échanges commerciaux.
- Une fois l’instauration d’un ticket modérateur ou de frais supplémentaires pour avoir accès à un médecin ou à des soins, il sera difficile de revenir en arrière.
- II faut protéger la Loi canadienne de la santé où l’on retrouve les principes de gestion publique, d’universalité, d’accessibilité, de gratuité, d’intégralité et les interdictions de ticket modérateur ou de surfacturation.
- L’obligation pour les médecins de pratiquer dans le secteur public doit être maintenue.
- Freiner et stopper la libéralisation du secteur de la santé et des services sociaux par la sous-traitance, l’achat de services dans le privé et le communautaire, l’impartition et la communautarisation.
Notre meilleure assurance : un système de santé public
Pour la Coalition, les vraies solutions porteuses de solidarité et d’avenir résident dans le renforcement d’un système public accessible et de qualité. C’est ce que désirent les citoyennes et citoyens. Nous croyons qu’il est possible de relever ce défi sur le plan collectif. La Coalition appelle à la mobilisation dans les mois à venir pour maintenir et développer un système de santé et de services sociaux public.
La Coalition Solidarité Santé regroupe des organisations syndicales et communautaires vouées à la défense du droit à la santé au Québec.