Consultations prébudgétaires à Québec : le SISP réclame des mesures concrètes pour soutenir l’économie et la population
Montréal, le 16 février 2009 – Profitant des consultations prébudgétaires qui seront menées au cours des prochains jours par la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, en vue du dépôt de son prochain budget, les dirigeantes et les dirigeants syndicaux du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP) mettent en garde le gouvernement Charest de ne pas utiliser la crise comme un prétexte pour réduire encore plus le rôle de l’Etat dans l’économie québécoise.
« L’idéologie néolibérale du laissez-faire économique et de la non-intervention de l’Etat, à laquelle a succombé la grande majorité des gouvernements au cours des dernières décennies, est justement grandement responsable du chaos économique dans lequel se retrouve actuellement la planète. C’est clair qu’on ne peut pas laisser l’économie se réguler elle-même, comme certains ont voulu nous le faire croire, et le gouvernement du Québec doit absolument revenir à une approche plus interventionniste dans l’économie québécoise », soutient la porte-parole du SISP, Mme Lucie Martineau.
Un secteur privé trop ébranlé pour agir
Mme Martineau précise que le gouvernement du Québec doit d’autant plus intervenir énergiquement pour soutenir l’économie qu’il est évident que le secteur privé en est incapable.
« Les mauvaises nouvelles, qui s’accumulent presque chaque jour, confirment que la relance économique ne viendra pas du secteur privé. Cette responsabilité relève plutôt des gouvernements, comme l’a compris le nouveau président américain, Barack Obama, et comme doit en convenir le premier ministre Jean Charest ici au Québec », plaide la porte-parole du SISP.
Les mesures proposées
Les leaders syndicaux du plus important regroupement de travailleuses et de travailleurs du secteur public au Québec soutiennent que le prochain budget du gouvernement Charest doit donc prévoir des mesures pour soutenir et réorienter l’économie, pour soutenir les personnes affectées par la crise et pour poursuivre le développement des services publics et des programmes sociaux.
« Québec doit concrétiser rapidement les investissements annoncés dans son Plan des infrastructures, et ceux prévus dans le Plan d’action du gouvernement fédéral. Il faut également saisir l’occasion pour engager l’économie du Québec dans un véritable virage vert prévoyant des interventions structurantes à différents niveaux », explique la porte-parole du SISP, Mme Lucie Martineau.
Développement des services publics et des programmes sociaux
Plus précisément, le soutien aux personnes affectées par la crise passe, entre autres, par l’intensification de la formation. Pour ce qui est du développement des services publics et des programmes sociaux, le SISP suggère dans un premier temps que l’on mette fin à la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part pour la retraite.
« Les ministères et organismes souffrent d’un manque flagrant de ressources pour accomplir leurs missions. Les graves conséquences de ce sous-financement des services publics, notamment ceux d’inspection, sont de plus en plus visibles du grand public avec l’écroulement de viaducs, de stationnements et de problèmes environnementaux comme les algues bleues. Ce réinvestissement nécessaire peut se faire, entre autres, en rapatriant les sommes actuellement allouées en sous-traitance, puisqu’il est prouvé que ces services sont plus coûteux pour le gouvernement. En santé et services sociaux, il faut rattraper la moyenne canadienne en termes de dépenses publiques de santé par habitant, soit une majoration de dépenses de 2 milliards. Alors qu’en éducation, la simple mise à jour du système nécessite des investissements de 1,5 milliard de dollars », soutient Mme Lucie Martineau.
Un gouvernement qui a la capacité financière pour agir
La porte-parole du SISP se dit convaincue que le gouvernement du Québec a la capacité financière pour mettre de l’avant les mesures demandées.
« Les dépenses en santé et en éducation du gouvernement s’élèvent présentement à près de 40 milliards par an. En supposant des coûts de système de 2,5 % par an, il faudrait majorer de 1,75 % de plus par an le rythme d’accroissement des budgets, soit 4,25 % au total, pour atteindre en cinq ans la cible d’un redressement de 4 milliards de dollars, ce qui est très accessible », commente Mme Martineau.
Non aux hausses de tarifs
D’autre part, les organisations syndicales du SISP dénoncent le fait que Jean Charest a confirmé qu’il n’interviendrait pas auprès des sociétés d’Etat pour empêcher d’éventuelles hausses de tarifs pour la population.
« Qu’il le veuille ou non, M. Charest devra intervenir sinon son gouvernement et lui devront assumer la responsabilité de faire peser un fardeau supplémentaire sur les épaules des personnes déjà fragilisées par la crise, avec toutes les conséquences que cela entraînera pour elles et leurs familles », met en garde Mme Lucie Martineau.
Un gouvernement interventionniste ou complice?
En terminant, la porte-parole du SISP mentionne que le choix qui se présente au gouvernement Charest pour son prochain budget est clair : ou bien il augmente les investissements publics dans l’économie pour réduire les impacts de la crise, ou bien il les réduit et se fait lui-même le complice d’une aggravation de la crise au Québec.
Profil du SISP
Le SISP regroupe 300 000 membres, issus de cinq organisations syndicales (CSQ, FIQ, SFPQ, APTS et SPGQ), dont plus de 262 000 proviennent des secteurs public, parapublic et péripublic. La CSQ représente près de 170 000 membres, dont plus de 100 000 œuvrent au sein des secteurs de l’éducation et de la santé. La FIQ regroupe 57 000 membres du secteur de la santé. Le SFPQ représente 43 000 membres, dont 40 000 sont issus de la fonction publique québécoise. Quant à l’APTS, elle représente 26 000 travailleuses et travailleurs occupant des postes professionnels ou techniques au sein du réseau public de la santé et des services sociaux. Pour sa part, le SPGQ regroupe près de 20 000 personnes de la fonction publique, des sociétés d’Etat, des réseaux de l’éducation et de la santé du Québec.
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Budget 2009-2010
Les orientations du SISP
(annexe au communiqué)
Trois axes d’intervention :
- Soutenir et réorienter l’économie
- Soutenir les personnes affectées par la crise et intensifier la formation
- Poursuivre le développement des services publics et des programmes sociaux
1. Soutenir et réorienter l’économie
A)
- Concrétiser rapidement les investissements annoncés dans le Plan québécois des infrastructures et dans le Plan d’action du gouvernement fédéral concernant la construction, la réfection et la rénovation des routes et ponts, des infrastructures municipales, des logements sociaux, des établissements de santé et d’éducation, ainsi que les mesures d’efficacité énergétique domiciliaire.
- Augmenter la construction de logements sociaux.
B)
- Engager l’économie du Québec dans un véritable virage vert sur la base d’un plan qui dégagerait des perspectives pour l’action de l’Etat en précisant les interventions structurantes touchant notamment :
- les transports, et tout particulièrement les transports en commun ;
- le développement des énergies alternatives ;
- les économies d’énergie domiciliaires ;
- les technologies propres ;
- l’encouragement des activités industrielles écoresponsables.
2. Soutenir les personnes affectées par la crise et intensifier la formation
- Lever les contraintes sur la formation à temps partiel dans les cégeps et introduire une enveloppe budgétaire ouverte en formation continue.
- Lever les contraintes sur la formation à temps partiel dans les Centres de formation professionnelle et introduire une enveloppe budgétaire ouverte pour la formation de base des adultes jusqu’au premier diplôme.
- Étendre les formations qualifiantes et menant à des diplômes en soutenant davantage les travailleurs engagés dans des formations de longue durée.
- Bonifier le Pacte pour l’emploi en regard des mesures pour la formation de la main-d’œuvre.
- S’assurer d’obtenir dans les meilleurs délais les sommes prévues pour la formation dans le budget fédéral et veiller à ce que celles-ci fassent l’objet d’une gestion coordonnée par Emploi-Québec et le MELS.
- Bonifier la prime au travail pour les travailleuses et les travailleurs à faible revenu.
- Étendre au régime d’imposition du Québec la mesure fédérale de déduction pour transports en commun, mais sous forme de crédit d’impôt remboursable.
- Reporter toute hausse tarifaire.
3. Poursuivre le développement des services publics et des programmes sociaux
Fonction publique
- Mettre fin à la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite.
- Privilégier l’utilisation des ressources du secteur public, plutôt que le recours à la sous-traitance.
Santé et services sociaux
- Rétablir un financement adéquat de notre système public de santé pour assurer sa pérennité et garantir les objectifs d’accessibilité, d’universalité et de gratuité auxquels la population est profondément attachée.
- Rattraper la moyenne canadienne en termes de dépenses publiques de santé par habitant. Cela représenterait une majoration de dépenses de 2 milliards de dollars. Les ressources additionnelles seraient consacrées à un meilleur accès aux services, à la réduction des listes d’attente et à l’amélioration des conditions de travail du personnel.
- Fournir des soins à domicile à la hauteur de ce que la population souhaite. Cela entraînerait des coûts annuels de 500 millions.
Éducation
- Investir 1,5 milliard pour la mise à jour du système, soit 800 millions pour les collèges et universités et 700 millions pour les commissions scolaires.
Ces sommes serviraient à améliorer l’offre de services à l’enseignement supérieur par un accroissement du nombre de professeurs, des améliorations de leurs conditions de travail pour les retenir ici, le développement des programmes, une réduction des ratios pour permettre un meilleur encadrement des étudiants. A l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire, les sommes seraient consacrées prioritairement à la réduction des ratios maître-élèves et aux services de soutien aux élèves en difficulté.
Le financement
Les dépenses de santé et d’éducation du gouvernement s’élèvent présentement à près de 40 milliards par an. En supposant des coûts de système de 2,5 % par an, il faudrait majorer de 1,75 % de plus par an le rythme d’accroissement des budgets, soit 4,25 % au total, pour atteindre en cinq ans la cible d’un redressement de 4 milliards. Cela nous semble accessible.
L’atteinte de l’objectif pourrait même être devancée si la reprise s’avère plus vigoureuse. Un tel engagement se justifie pleinement dans le contexte actuel, alors qu’il revient à l’État de soutenir la demande globale pour compenser la faiblesse du secteur privé.
La récession dans laquelle se trouve plongée l’économie entraînera un déficit, du fait de la chute des revenus, du gonflement des dépenses et du service de la dette. Ces effets sont d’ordre conjoncturel et devraient se résorber graduellement avec la reprise que les spécialistes prévoient pour 2010. Afin d’accélérer le retour à l’équilibre budgétaire, nous croyons que le gouvernement pourrait prendre un congé de contributions au Fonds des générations.