Système de santé suisse – Reportage de l’IÉDM: un morceau de gruyère sur une trappe à souris!
L’Institut économique de Montréal (IÉDM) dévoilait le 18 septembre dernier un nouveau chapitre de sa campagne de dénigrement du système de santé public. Au cœur de cette campagne, on retrouve une vidéo d’une durée de près de quatre minutes, réalisée en Suisse au cours de l’été 2012. L’IÉDM prétend qu’il s’agit d’un reportage. Je parlerais plutôt d’une info-pub.
Dans cette vidéo, des représentants choisis, provenant d’une même clinique médicale privée, dressent un portrait idyllique du privé dans la santé et vantent à la caméra les services dispensés par l’entreprise qui les emploie.
Serait-ce la solution rêvée aux problèmes auxquels tant de nations se trouvent confrontées? L’IÉDM serait-il le seul à avoir remarqué ce qui aurait échappé aux dirigeants de ce monde? Non… puisqu’il y a si peu à remarquer. Fidèle à lui-même (et aux entreprises qui le financent), l’Institut a simplement choisi de montrer ce qui sert ses intérêts, évacuant tout le reste.
Aucune mention…
- du mouvement de contestation en Suisse provoqué par d’importantes augmentations de primes, année après année.
- des craintes exprimées par les associations de défense des assurés et des patients face à un manque de transparence flagrant et à l’influence grandissante du pouvoir financier sur la dispensation des soins.
- des soupçons à l’endroit d’entreprises qui n’auraient aucun scrupule à contourner les lois au détriment des clientèles dites à risque.
- de la crise sans précédent à laquelle sera confrontée la Suisse, alors que 75 % des médecins de famille et des pédiatres partiront à la retraite, d’ici dix ans, et que les mesures à mettre en place pourraient entraîner une augmentation encore plus importante des primes.
- du fait que la Suisse se situe, aux côtés des États-Unis, dans le « top 3 » des pays de l’OCDE où le coût du système de santé par habitant est le plus élevé. (source : OCDE).
Mais surtout, on dénote un silence complet sur les pressions qu’exerce sur la classe politique le puissant lobby des entreprises privées d’assurance. Une pratique décriée, entre autres, par un ministre cantonal de la Santé, Pierre-Yves Maillard, qui affirmait en 2010 que :
« Il y a un vrai réseau d’influence économique sur la politique dans le domaine de la santé et malheureusement cette tendance s’accentue. Elle va dans la direction d’un caractère toujours plus commercial des assureurs maladie et vers un poids politique toujours plus fort auprès des parlements fédéraux. » (Pierre-Yves Maillard: Soigner l’assurance maladie, p. 26 & 27, Éditions Favre, 2010 – source: Wikipédia)
Ce pouvoir du lobby des assureurs privés en santé est illustré de façon éloquente dans un reportage d’enquête présenté à la Radio Télévision Suisse (RTS) en novembre dernier qui démontre « à quel point certains parlementaires, qu’ils soient de droite ou de gauche sont, de fait, sous influence. Et combien la démocratie parlementaire est sujette à de nombreuses interférences, souvent ignorées des électeurs ».
Au Québec, dans un contexte de commission d’enquête portant sur la collusion, la corruption et le financement des partis politiques, l’expérience de la Suisse a de quoi inquiéter. Particulièrement quand on constate la facilité déconcertante avec laquelle s’exerce l’influence des entreprises privées en santé sur la sphère décisionnelle de ce pays.