La solution qui crève les yeux
Existe-t-il une solution pour contrer les effets de la pénurie de médecins? Il semble que oui, et un récent article paru dans la revue L’Actualité nous rappelle avec justesse que cette solution est à portée de main. Celle-ci consisterait d’abord à faire davantage profiter le système de santé de toute l’expertise et l’expérience des infirmières, en les laissant jouer pleinement le rôle qui leur est attribué par la loi, mais aussi en favorisant le déploiement des infirmières praticiennes spécialisées (IPS). Seul petit hic : le ministère de la Santé du Québec ne trouvera peut-être pas cette solution très séduisante.
Pour l’instant, le Québec ne compte que 167 infirmières praticiennes et aucune ne dispose de la marge de manœuvre pour laquelle elle a été formée. Pendant ce temps, nos voisins de l’Ontario connaissent un véritable succès avec le déploiement de près de 2000 infirmières praticiennes, ayant reçu exactement la même formation que celles du Québec, et capables de prescrire presque tous les médicaments, de suivre des patients, de consulter des médecins spécialistes et de traiter les maladies chroniques. Le système de santé ontarien peut même compter sur un nombre croissant de cliniques dirigées par des infirmières praticiennes.
Au Québec, cela fait près de dix ans que la Loi 90 a été adoptée. Comment, malgré toute la volonté qui s’en dégageait de reconnaitre l’expertise et l’autonomie des professionnelles en soins, pouvons-nous en être encore là? Le problème, c’est que notre gouvernement doit conjuguer avec une Fédération des médecins omnipraticiens qui crie à l’hérésie devant ce nouveau modèle de soin de santé. À cela, ajoutons le Collège des médecins, qui négocie à la pièce les pouvoirs qu’il veut bien accorder aux infirmières praticiennes. Avec tout cela, on peut même se demander si seulement les médecins spécialistes accepteront de se faire référer des patients par les infirmières praticiennes.
Et comme si ces embuches n’étaient pas suffisantes, chacun des pouvoirs arrachés au Collège des médecins ne peut s’exercer que sous la supervision d’un autre médecin. Cela engendre des couts de « surveillance » pour chaque infirmière praticienne embauchée dans une clinique, et fait dire au gouvernement qu’il manque d’argent pour procéder à de telles embauches pour le moment.
Quand on voit comment le Québec se démène en ce moment pour combler le manque de médecins, je ne comprends absolument pas pourquoi le gouvernement tolère encore de tels enfantillages. Est-ce là le résultat d’un manque de vision à long terme? Ou est-ce le fait d’une perception encore trop machiste de la profession d’infirmière?
Pour l’instant, je préfère croire que le ministre de la Santé en est à étudier sérieusement la question, et qu’il nous surprendra très bientôt par une annonce digne de quelqu’un qui souhaite réellement s’attaquer au problème de pénurie de médecins.