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FIQ (Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec)

Quand un ministre de la Santé traduit « coupures budgétaires en CHSLD » par « modification de l’offre de services »

« Nul problème ne pourra être résolu, voire perçu, si l’on prend soin d’éliminer au départ toute possibilité de le poser »
— Bertrand Russel, philosophe et logicien, 1872-1970

Devant les nombreuses coupures de postes en soins infirmiers, survenues récemment dans plusieurs centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), il est aberrant d’apprendre que le ministre de la Santé et des Services sociaux ait pu affirmer que « ce ne sont pas des coupes, ce sont des modifications de l’offre de services ». Encore plus aberrant de l’entendre réduire les besoins de soins en CHSLD à de l’assistance dans l’accomplissement des tâches de la vie quotidienne.

Il faut cesser d’entretenir ce mythe qui ramène le CHSLD à un simple milieu de vie. Le CHSLD, c’est d’abord et avant tout un milieu de soins où l’on retrouve principalement des personnes âgées ne disposant plus de l’autonomie nécessaire pour réintégrer leur domicile et dont l’état de santé requiert, au moment de leur admission, trois heures de soins quotidiens au minimum.

Parmi les personnes hébergées en CHSLD, près de la moitié ont plus de 85 ans, les deux tiers ont au moins trois problèmes chroniques, 60 % présentent des troubles cognitifs et au moins 20 % souffrent de troubles mentaux et présentent d’importants problèmes de comportements. Ainsi, qu’il s’agisse de soins d’hygiène, de distribution de médicaments, d’aide à la marche et à la mobilisation, de l’évaluation de l’état physique et psychique ou encore d’intervention en cas d’urgence, les soins dispensés à ces patient-e-s nécessitent du temps et une expertise professionnelle.

En CHSLD, si les préposé-e-s aux bénéficiaires accomplissent un travail essentiel et font partie intégrante de l’équipe de soins, elles et ils ne peuvent toutefois dispenser de soins médicaux. Les infirmières, les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes sont les seules professionnelles en soins à y être présentes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Dans le domaine des soins aux personnes en perte d’autonomie, le CHSLD représente l’équivalent d’une unité de soins critiques. Il n’est donc pas normal qu’on doive déplacer une personne âgée vers l’urgence parce que les professionnelles en soins sont en nombre insuffisant pour lui administrer les soins requis. Considérant qu’il suffit de quelques jours pour que l’état d’une personne âgée se dégrade dangereusement, les risques et les coûts associés à un séjour prolongé sur une civière de l’urgence sont injustifiables.

Il n’est pas plus normal qu’une infirmière auxiliaire ait un si grand nombre de patient-e-s sous sa responsabilité qu’il lui faille quatre heures pour effectuer la distribution de médicaments. Il est encore moins acceptable que la seule solution que l’employeur ait à proposer soit de lui faire porter un dossard sur lequel apparaît un message demandant qu’on ne la dérange pas dans son travail.

Je ne veux pas ici mettre en doute la volonté ministérielle de permettre à nos aîné-e-s en perte d’autonomie de vieillir dans la dignité. Cette volonté doit toutefois se traduire dans l’action, en garantissant à celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie pour bâtir notre société une garantie d’accès immédiat à une équipe de soins complète et suffisante.