Les chiffres de destruction massive
Tout le monde se souvient de cette information selon laquelle l’Irak détenait une très grande quantité d’armes de destructions massives. On se souviendra également que l’impossibilité d’en prouver l’existence n’a pas empêché l’administration Bush d’en conclure qu’il fallait envahir l’Irak. Aujourd’hui, même si les preuves contredisant leur existence s’accumulent, il n’y a plus personne pour rouvrir le débat, questionner les décisions passées et réparer les dommages occasionnés par cette guerre.
La situation politique au Québec est sans commune mesure avec la tragédie qui s’est jouée en 2003 aux États-Unis. Il n’en demeure pas moins qu’une stratégie similaire se joue en ce moment au sein de notre gouvernement québécois : On lance des chiffres sans les vérifier, on les utilise pour justifier des actions qui ont des impacts considérables sur la vie des gens, puis on martèle tant et tant ces chiffres que plus personne n’a le courage de les contester, d’exiger qu’on revienne en arrière et qu’on corrige les dommages commis.
L’exemple le plus éloquent est cette récente révélation voulant que le déficit des régimes de retraite était nettement plus bas que ce qui avait été annoncé précédemment par le gouvernement. 2,6 G$ au lieu de 3,9 G$. On a eu beau exiger que les chiffres soient actualisés pour avoir un portrait plus juste de la situation, rien n’y fit. Le gouvernement libéral rejeta l’idée et alla de l’avant avec son projet. Aujourd’hui, la loi 15 (projet de loi 3) est adoptée, la crédibilité des syndicats est écorchée et le pouvoir de négociation des travailleurs affaiblit.
Malgré cela, jamais le gouvernement ne reviendra en arrière, s’excusera ou procédera aux correctifs qui s’imposent. Tout simplement parce que le mensonge l’a bien servi et plus personne n’a le goût de revenir sur cet épisode.
Et que dire du projet de loi 10 qui va soi-disant pallier les problèmes du réseau de la santé et s’assurer du maintien de la qualité et de l’accessibilité des services? Dois-je vous rappeler que ce projet de loi a été adopté sous le coup d’un bâillon et devant une foule de critiques et d’indicateurs prouvant que le gouvernement faisait fausse route?
D’ailleurs, la nouvelle parue dans les médias disant que le gouvernement albertain venait de faire marche arrière à propos de la centralisation des services de santé ne date pas d’hier. Dans son mémoire sur le projet de loi 10, la FIQ rappelait les conclusions de l’Alberta à savoir que la réforme n’avait pas permis de dégager les économies escomptées et que c’est le patient, en fin de compte, qui écopait des décisions prises trop loin de lui.
Pourtant, ni les vives opposions au Québec ni l’expérience albertaine n’ont empêché ce gouvernement d’aller de l’avant et de marteler son message. Aujourd’hui, au nom de la qualité et de l’accessibilité des soins, une immense réforme se met en branle dans la santé au Québec, et ce, malgré toutes les preuves que c’est précisément la qualité et l’accessibilité des soins qui vont en souffrir.
Quand on y regarde de plus près, l’état du réseau de la santé lui-même est teinté d’une idéologie qui sert bien ceux qui s’acharnent sans relâche à vouloir le démanteler au profit du privé. En effet, dans une récente note économique, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) démontre avec beaucoup d’éloquence comment, selon les paramètres comptables utilisés par le ministère des Finances du Québec (MFQ), le gouvernement s’emploie à présenter un portrait catastrophique et insoutenable des dépenses en santé. Un portrait qui fait radicalement contraste avec des données obtenues auprès d’organismes comme Statistiques Canada et l’Institut canadien d’information en santé (ICIS). Or, ces organismes utilisent des paramètres comptables beaucoup plus larges et souvent plus respectueux des recommandations émises par le Vérificateur général du Québec.
Quand on s’obstine volontairement à ne tenir compte que des données qui nous servent au détriment de celles qui nuisent à nos idées et que l’on fait la sourde oreille aux inquiétudes manifestées, on cesse alors de défendre le bien commun. Et il ne sort jamais rien de très bon de tout cela…