À la croisée des chemins
Le ministre de la Santé ne semble pas comprendre, malgré les signaux d’alarme qui fusent de toute part, qu’il ne pourra jamais réussir sa réforme sans établir un véritable dialogue avec les différents acteurs du réseau, avec toute la cordialité, le respect et l’écoute qui s’imposent dans ce genre d’exercice. Et s’il devait s’y résigner, encore faudrait-il qu’il prenne acte que les transformations qu’il est en train d’opérer vont visiblement dans le sens diamétralement opposé aux solutions qui devraient être appliquées.
Il ne fait aucun doute, pour reprendre cette expression employée par les signataires d’une lettre parue dans La Presse le 25 mai dernier, que nous sommes à la croisée des chemins en ce qui a trait à la réforme du réseau de la santé. Jamais, de mémoire, un ministre de la Santé n’avait-il été aussi loin dans ses ambitions pour contrôler le système de santé au Québec. Par ailleurs, je ne me souviens pas non plus d’un tel consensus des acteurs du réseau à dénoncer les changements proposés.
Ce dont le réseau de la santé a le plus besoin, c’est d’une première ligne forte et diversifiée. Tous les indicateurs et les données probantes mettent en lumière la nécessité de se tourner vers une vision dans laquelle les professionnelles en soins pourront exercer pleinement leur champ de pratique et demeurer des employées du réseau public. Par ailleurs, il nous apparaît clair que le réseau doit offrir des services de proximité, qui s’ancrent dans les besoins qui varient grandement d’un endroit à l’autre.
Ainsi la mission des CLSC (pour ce qu’il en reste) devrait être préservée, et les GMF devraient adapter leur gestion et leur organisation du travail afin de favoriser l’autonomie pleine et entière des professionnelles en soins qui y travaillent. Le ministre de la Santé devrait également accepter l’idée que de nouveaux modèles de soins financés publiquement puissent voir le jour, des modèles qui prendraient davantage en compte l’apport des professionnelles en soins.
Malheureusement, monsieur Barrette s’entête à imposer une vision qui limite l’accès aux soins et aux services de première ligne en les faisant passer exclusivement par le prisme médical. On l’a vu notamment avec sa directive de transférer une partie des services offerts en CLSC vers les GMF et les cliniques privées. Il va poursuivre sur sa lancée, sans parler à personne et en discréditant sur son passage tous ceux et celles qui ne pensent pas comme lui. Et au final, il échouera à mieux prendre soin des patients, parce qu’il n’aura pas su tendre l’oreille à ceux et celles qui portent sur leurs épaules le réseau de la santé au quotidien.