Abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être : des voix dénoncent le camouflage du transfert d’importants pouvoirs au ministre Barrette
Le Conseil pour la protection des malades, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ, le regroupement Médecins québécois pour le régime public, le Réseau FADOQ et Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé en droit de la santé, dénoncent le manque complet de transparence du gouvernement du Québec concernant l’abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être (CSBÊ) et surtout le transfert de ses pouvoirs.
La suppression de cette importante fonction, qui permettait d’évaluer de manière indépendante la performance du système de santé et de services sociaux, avait été annoncée en mars 2016. Mais ce n’est que maintenant que l’on a la confirmation que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, se soustrait à toute évaluation critique et indépendante de ses agissements.
Cette abolition constitue un recul démocratique majeur puisque le rôle du Commissaire était d’éclairer le débat public et la prise de décisions du gouvernement en matière de santé. Or, les libéraux tentent de camoufler leur décision en abrogeant la Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être avec le Projet de loi 150. Ce projet de loi omnibus, qui renferme sur plus de 100 pages de nombreuses dispositions budgétaires de toutes sortes, relève du ministère des Finances et ne fera l’objet d’aucune consultation ni commission parlementaire.
Ce n’est certainement pas un hasard si le gouvernement agit en catimini. Tous les pouvoirs du Commissaire, sauf un, sont transférés à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), qui relève du ministre de la Santé et des Services sociaux et qui n’a qu’un pouvoir de recommandation auprès de ce dernier.
Le ministre s’auto-évalue!
Le ministre de la Santé « hérite » quant à lui du pouvoir… de se conseiller et d’évaluer ses propres décisions et réformes. L’article 64 du projet de loi 150 stipule en effet que le ministre s’arroge les pouvoirs d’évaluation de l’impact des politiques publiques en santé sur la population.
Tous les signaux perçus par les signataires de ce communiqué indiquent que les réformes du ministre Barrette, contrairement à ce qu’il en dit, sont passablement négatives. Entre 2009 et 2017, pendant que la part du salaire des médecins dans le budget de la santé est passée de 12 % à 20 %, on a réduit les services et l’accès aux soins. Les impacts négatifs sont nombreux, particulièrement auprès des plus vulnérables. Et aujourd’hui, la population n’a plus de contre-pouvoir.
Centralisation à outrance et dérive autoritaire
Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ : « Nous le soulignons dans notre Livre noir de la sécurité des soins, la qualité́ et la sécurité́ des soins sont actuellement en péril au Québec. Surcharge de travail, fatigue et détresse chez les professionnelles en soins entraînent des omissions, des erreurs et des événements indésirables. Au Québec, nous avons besoin d’un organisme neutre et indépendant capable d’alerter les élu-e-s sur ces situations. Seul le CSBÊ avait un tel pouvoir! »
Me Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades : « L’institution du Commissaire à la santé et au bien-être était une promesse du Parti libéral en 2003 et il devait alors relever de l’Assemblée nationale. Mais l’éléphant a accouché d’une souris puisque le Commissaire, quand le projet de loi a été adopté, a davantage relevé du ministre, celui-là même qui vient de planter le dernier clou dans le cercueil de l’institution avec le projet de loi mammouth 150. »
Dre Isabelle Leblanc, présidente de Médecins québécois pour le régime public : « La perte d’un poste et d’une organisation externe évaluant de façon objective et indépendante le réseau de la santé est catastrophique en cette période de réformes rapides du système, dont personne n’évalue vraiment les effets. Cette perte de forum de discussion réunissant experts, acteurs du système et soignants démontre vraiment la dérive autoritaire du ministère de la Santé. »
Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé en droit de la santé : « Ce projet de loi s’inscrit dans la tendance lourde de centralisation des pouvoirs entre les mains du ministre. L’abolition en catimini du poste de Commissaire à la santé et au bien-être aura un impact très défavorable sur l’évolution du système de santé, dans le contexte d’une restructuration et de compressions qui ont eu des effets très négatifs sur l’accessibilité et la qualité des soins. »
Danis Prud’homme, directeur général du Réseau FADOQ, qui compte plus de 495 000 membres : « Nous sommes outrés. Sous prétexte d’économiser un maigre 2,5 M$, le ministre de la Santé bafoue les principes d’indépendance et de transparence au cœur de la mission du Commissaire, qui gardait un œil sur l’évolution des dépenses et sur les décisions qui affectaient la qualité des services offerts aux contribuables. Le ministre agit comme le Napoléon du Québec. »