Appel à la désobéissance!
La désobéissance est un acte d’affirmation. Un geste de leadership professionnel. Non pas dirigé contre quelque chose, mais pour quelque chose. C’est notre capacité à voir, à critiquer et à dénoncer. Pour les professionnelles en soins, faire preuve de désobéissance, c’est d’abord et avant tout prendre la liberté de dire NON. C’est refuser de pratiquer dans des conditions de travail non sécuritaires, refuser d’être contraintes à offrir des soins de piètre qualité en raison des compressions budgétaires et de la mauvaise gestion.
Voilà le message qu’Amélie Perron, chercheure et professeure en sciences infirmières à l’Université d’Ottawa, a livré aux jeunes militantes du Réseau. En plus de les inviter à demeurer vigilantes et à poser des questions avant d’obéir docilement aux directives des employeurs, madame Perron a fortement incité les participantes à perturber le statu quo du système de santé et à provoquer un changement politique.
Enterrer l’idée de la vocation et du don de soi
Selon Amélie Perron, les employeurs se servent trop souvent des codes de déontologie des professionnelles en soins pour les faire taire. Il est vrai que la société s’attend à une certaine forme de docilité de la part de celles qui prennent soin des patient-e-s. La socialisation des professionnelles en soins, pendant leurs études ou dans leur milieu de travail, ne les incite pas à remettre les choses en question. Pourtant, la désobéissance n’est pas seulement de l’opposition : c’est un droit légitime.
Citant Rosa Luxembourg, militante socialiste et théoricienne marxiste, Amélie Perron a expliqué que « ceux qui ne bougent pas ne réalisent pas qu’ils ont des chaînes ». C’est lorsqu’on commence à ébranler l’ordre établi qu’on prend conscience des contraintes auxquelles nous sommes soumises. Prenons par exemple les professionnelles en soins qui ont reçu des avis disciplinaires pour avoir participé à des sit-in ou à d’autres moyens de pression depuis le début de l’année 2018. Que leur reproche-t-on? D’avoir été désobéissantes? D’avoir été déloyales envers leur employeur? Pourtant, leur seule faute est d’avoir pensé autrement. « Il faut enterrer l’idée de la vocation et du don de soi », a lancé Amélie Perron. « On ne peut continuer à encaisser cela! », a-t-elle poursuivi, en faisant référence à la mauvaise gestion dont les professionnelles en soins font les frais.
Nouvelle gestion publique : pour qui et pourquoi?
La nouvelle gestion publique, qui a fait son apparition dans les établissements de santé du Québec il y a de cela une vingtaine d’années, promettait des modes de gestion plus efficaces des institutions publiques. En gérant la santé à la manière d’une entreprise privée, c’est-à-dire à coups de statistiques, de normes et de mesures de contrôle et d’évaluation, cette nouvelle gestion publique a plutôt dénaturé leur mission. Allouer des ressources en fonction des performances est peut-être une bonne chose dans les domaines de la vente et de la production, mais est-ce réellement approprié lorsqu’on travaille avec des patient-e-s? Les processus de standardisation qui caractérisent maintenant la pratique des professionnelles en soins et les indicateurs de performance comme le taux de roulement de lits sont-ils imposés au bénéfice des patient-e-s ou de celui des gestionnaires? La réponse des participantes du Réseau était assez unanime.
L’idée même de la désobéissance appelle l’esprit critique qui, lui-même, appelle à l’action. Et accroître notre capacité d’action, c’est aussi augmenter notre rapport de force pour changer les choses!