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FIQ (Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec)

Le Mois de l’histoire des Noirs

Le Mois de l’histoire des Noirs

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, le comité ad hoc antiracisme a voulu donner la parole à deux de ses membres. Nous vous présentons Sarahjane Pavillon, infirmière auxiliaire au Québec depuis 15 ans et Myriam Philippeaux, également infirmière auxiliaire depuis plus de 15 ans.  

Qu’est-ce que signifie pour vous le Mois de l’histoire des Noirs? 

Myriam : 

Premièrement, moi, je suis noire et pas juste un mois dans l’année. Mon histoire se perpétue dans le temps et c’est important pour moi de penser à toutes les personnes noires qui nous ont précédées, à ceux et celles qui ont pavé la route pour nous, pour qu’on puisse faire ce qu’on fait. C’est ça que ça veut dire pour moi le Mois de l’histoire des Noirs. Ça signifie aussi qu’il faut prendre le temps de mieux enseigner l’histoire des personnes noires, que ce soit dans les écoles ou ailleurs.  

Sarahjane : 

Pour moi, ce mois sert à célébrer le succès des personnes noires malgré les embûches qu’on a mis sur notre route et les droits qui nous ont été enlevés. On peut penser à Nelson Mandela, à Harriet Tubman, à Martin Luther King Jr, à Barak Hussein Obama. Cela signifie qu’on peut rêver de grandeur et lutter, malgré mais surtout, parce qu’on est noires. Ce mois a aussi des répercussions sur les autres personnes marginalisées : c’est un mois qui nous rappelle nos luttes et qu’il ne faut jamais cesser de lutter contre le racisme. 

Est-ce qu’il y a des enjeux spécifiques pour les femmes noires dans le milieu de la santé? 

Myriam : 

Oui, il y a beaucoup d’enjeux dans le système de la santé pour les femmes noires. Nous faisons face à des stéréotypes bien ancrés dans le milieu, que ce soit de la part des patients ou de nos collègues parfois. Les femmes noires portent leur vécu sur leurs épaules. On ne part pas de la même ligne de départ puisque nous faisons face à une double charge : notre charge de femme et le fardeau de représenter toutes les autres femmes noires. Si tu donnes ton opinion ou tu parles librement, tu es considérée comme une femme en colère : le fameux commentaire « angry black woman » n’est jamais bien loin.  

Sarahjane : 

Oui, il y a les enjeux du point de départ. On me demande régulièrement si j’ai eu mon diplôme ici au Québec, ce qui est le cas d’ailleurs. Je sens que je dois justifier mon éducation avant même que j’aie donné des soins. Et parfois aussi, quand j’arrive devant un patient, ça arrive que la personne me demande si j’ai fait mon cours au Québec, comme s’il doutait de mes compétences. Moi, je ne demande pas à mes collègues où elles ont fait leurs études. Aussi, pourquoi on ne pose pas la même question à une personne blanche qui vient de la France (nos collègues françaises et européennes aussi vivent de la xénophobie)? Comme une sorte d’injonction de prouver ma compétence constamment. Est-ce que c’est la peur de l’inconnu ou de l’ignorance? Je ne sais pas, mais j’ai toujours une impression que malgré toutes les preuves que je donne, ce n’est jamais assez.  

Pourquoi vous impliquez-vous dans vos équipes locales syndicales? Et pourquoi faire le saut au sein du comité ad hoc antiracisme? 

Myriam :  

La raison d’aller au syndicat local, c’est parce que je suis militante et que je me faisais dire par plusieurs de mes collègues que je devrais m’impliquer au syndicat. D’autres personnes, en plus de mes collègues racisées, me disaient qu’ils aimeraient que les équipes syndicales soient un peu plus diversifiées.  À ma connaissance, j’ai été la première femme noire élue dans le syndicat de la FIQ Capitale-Nationale à l’époque.   

Être sur le comité ad hoc antiracisme est en quelque sorte une continuité de mon militantisme syndical. Il faut démontrer à nos collègues qu’il y a une place pour discuter librement de ces enjeux et que la FIQ met en place un comité aussi important pour démontrer qu’il y a une réelle volonté de changer les choses. D’où l’importance de pouvoir discuter du racisme librement et donner l’exemple aux nouvelles embauchées. 

Sarahjane : 

Pour ce qui est de mon implication locale, lutter est inné en moi. Je viens de l’Île Maurice et ma mère, mon oncle et ma tante étaient syndicalistes. J’ai grandi dans une famille de personnes qui ont toujours lutté pour défendre leurs droits. Quand je suis arrivée au Québec, rapidement j’ai compris qu’être une syndicaliste, que ce soit ici ou dans mon pays d’origine, c’était la même chose. En plus de ça, je me suis dit qu’en tant que soignante, je prends soins des patients, et qu’en tant que syndicaliste, je prends soins de mes collègues. Je n’ai jamais été autant en relations d’aide que dans un syndicat.  

Et pour ce qui est du comité ad hoc antiracisme, dès que j’ai su qu’il allait être mis en place, j’ai donné mon nom. Le racisme est sous le tapis donc il n’y a personne qui le voit. La plupart des personnes ont peur de le voir ou d’en parler. Mais il faut en parler, on remarque de plus en plus le racisme entre les murs de nos établissements, cela devient de plus en plus difficile car il dépasse du tapis. Le travail du comité va pouvoir mettre la lumière sur les enjeux vécus par les personnes racisées et c’est la FIQ entière qui en ressortira encore plus forte.