Financement axé sur le patient : encore une illusion d’efficacité
La semaine dernière, le gouvernement du Québec a annoncé vouloir étendre le financement axé sur le patient (FAP) aux secteurs de l’hémodynamie, de l’obstétrique, de l’urgence, de la néonatalogie et des soins à domicile d’ici 5 ans. Ces centres d’activités viennent s’ajouter à sa cible de 100 % en chirurgie annoncée lors de son dernier budget provincial.
D’entrée de jeu, je vous rappelle que le FAP est un type de financement inspiré de la nouvelle gestion publique qui vise à « importer les bons coups du privé dans l’administration des services publics ». Pour celles à qui cela sonnerait une cloche, c’est notamment à ce type de gestion qu’on doit la fameuse approche Lean. Cette approche fut d’ailleurs dénoncée plus d’une fois par les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux en évoquant que le réseau de la santé n’est pas une usine de fabrication de voitures.
Donc, le FAP auquel réfère le ministre de la Santé, Christian Dubé, vise à financer les établissements en fonction du coût moyen de soins et du nombre de fois que ce soin est dispensé dans l’établissement. La logique motivant une telle mesure est à l’effet qu’en mettant les établissements en compétition entre eux, ils deviendront plus performants.
C’est ici que l’on voit que le passé de monsieur Dubé n’est jamais très loin. Lorsqu’on lui demande pourquoi un tel virage dans le financement des établissements, c’est son obsession comptable qui ressort inévitablement… c’est au nom de l’efficacité dit-il!
Le problème, c’est que les gouvernements successifs ne sont jamais allés au bout des différents projets expérimentaux qu’ils ont mis en place dans les dernières années afin d’établir le prix juste et réel de chaque soin. D’ailleurs, nous avons eu simplement à faire une demande d’accès à l’information au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour découvrir que les gouvernements n’ont d’aucune façon évalué sérieusement ces projets. Ainsi, ce que le gouvernement nous demande, c’est de le croire aveuglément lorsqu’il soutient que ce type de financement est plus efficace, plus optimal et qu’au final, la population devrait être gagnante.
Il y a matière à s’inquiéter devant un déploiement hâtif et opaque d’un tel financement. Les expériences ailleurs dans le monde ont démontré que la standardisation entraînée par ce modèle de financement était loin d’aller de pair avec le jugement clinique des équipes soignantes. La certitude qu’il en ressort c’est plutôt que ce financement a amené une pression indue sur les employé-e-s afin d’être en mesure de soutenir un volume de soins, et ce, au détriment évidemment de l’enseignement aux patient-e-s ou de la prévention par exemple.
Donc, en matière de soins, l’efficacité se mesure-t-elle vraiment et uniquement en volume? Pour quiconque qui travaille dans le réseau de la santé, il est évident que non. Les professionnelles en soins savent trop bien que l’uniformisation est rarement au service des patient-e-s. Et « plus » ne veut pas dire nécessairement « mieux ». On parle d’humains qui soignent des humains et souvent, bon nombre d’imprévus surviennent. Cet adage devrait s’appliquer aux différentes décisions ou réformes proposées par le ministre Dubé. Car être « efficace » c’est surtout savoir poser la bonne action, celle qui aura des impacts concrets, bénéfiques et à long terme.