CISSS de la Montérégie-Est cas #157
Je suis ASI dans une salle d’urgence. Le personnel sur le plancher a de la difficulté à suivre, car les consignes changent tous les jours.
Ma chef m’a appelé vendredi en fin de journée pour me demander si j’acceptais d’être aux patients pour la fin de semaine, vu que ça change constamment et que je n’ai pas été là pendant 2 semaines. J’ai accepté, car je pensais la même chose.
À l’urgence (je ne sais pas si c’est la même ailleurs) , le dépistage Covid est fait à tous les patients qui sont gardés pour soit un des symptômes qui pourraient annoncer un Covid. Par exemple, aujourd’hui, j’avais une patiente qui s’est présenté pour de la dyspnée à l’effort et de l’œdème des membres inférieurs depuis 1 mois sans température ni toux. Son D-dimère était élevé, on a fait un dépistage et on l’isole contact-gouttelette-oculaire (le médecin dit qu’il est certain que ce n’est pas un Covid), pas besoin du masque N-95, seulement le masque chirurgical avec blouse, gants et visière. Pas besoin de la chambre à pression négative.
La procédure est bien suivie pour mettre les EPI et les enlever, une collègue (souvent un PAB) se tient en dehors de la pièce et nous guide pour enlever l’équipement et prendre nos prélèvements, donner des choses qu’on a besoin.
Alors, ça prend beaucoup de temps pour enfiler et enlever les équipements. Du côté des civières ce matin, j’avais 2 patients qui étaient en isolation contact-gouttelettes-oculaire.
Vers 12 :00, nous en avions 4 de plus dont 2 qui ont été placés dans les chambres à pression négative. Dès qu’ils sont vus par le médecin, on les sort de ces pièces pour les installer ailleurs sur le département.
J’avais 3 patients cet après-midi et j’avais de la difficulté à donner de bons soins, car mon troisième patient est arrivé à 10 heures (pneumonie qui ne répondait pas à son antibio, fièvre et dyspnée avec dépistage Covid) et j’ai été avec lui pendant 1 heure, le temps de faire ce qui était prescrit par le médecin. Donc, 1 heure que mes 2 autres patients ne m’ont pas vu (il y en a un qui se faisait faire une ponction pleurale et que je ne pouvais être au chevet pour contrôler les signes vitaux et mes collègues étaient débordées). C’est dangereux, on travaillait à -1 infirmière et j’étais incapable de donner des soins sécuritaires et de qualité à mes patients.
J’ai travaillé avec les visières improvisées, faites avec une feuille d’acétate qu’on a collé une bande de mousse et, pour le fixer sur la tête, de la petite corde blanche. La vision est altérée avec ces visières et en plus, on en a une pour le quart de travail, il faut la nettoyer au Virox quand on sort de la chambre! C’est mou, je ne suis pas certain qu’on est capable de la nettoyer comme il faut et quand ça sèche, la vision est encore moins bonne!!! Autant dire que j’ai fait des prélèvements et installé mon soluté les yeux bandés, car je ne voyais pas très bien au travers!
Les infirmières de la PCI ne suivent pas, elles ont du retard, ma chef attend un retour de leur part pour différentes procédures (transferts de patients en radiologie ou à l’étage, est-ce que le nettoyage demandé à l’entretien ménager est adéquat ou trop sévère selon les types d’isolation). Ces infirmières ne sont même pas présentes alors qu’on dépiste de plus en plus de patients. À l’urgence, on nous a dit que si ce n’est pas un cas qui nécessite le N-95, la désinfection n’est pas aussi sévère, mais la radiologie n’a pas eu l’information et refusait de prendre un nouveau patient, car il y a des délais si c’est un Covid. Mais là TOUS les patients dépistés sont considérés Covid, car le médecin doit demander le test s’il y a un des symptômes possibles du Covid même s’il est convaincu que ce n’est pas ça. Ma chef était présente cet après-midi pour s’assurer que l’urgence allait bien et déplorait le fait que la PCI n’est pas présente et je suis d’accord.
Quand on transfère un patient à l’étage suspecté Covid, un agent de sécurité réserve un ascenseur et par la suite, l’ascenseur doit être désinfecté au complet alors que le médecin est convaincu que le test va être négatif…
J’avais le sentiment que je faisais de la médecine de brousse tellement on n’a pas tous les outils ni l’information pour affronter cette épidémie.