Résumé du livre noir
Dans ce document, nous présenterons les faits tels qu’ils ont été vécus par le Syndicat, en particulier dans les CHSLD. Nous laisserons à d’autres le soin de déterminer où étaient les institutions du travail, comme la CNESST et les ordres professionnels, au plus fort de la crise.
La crise sanitaire de la COVID-19 a tôt fait de faire voler en éclat les droits conventionnés des professionnelles en soins. La seule obligation des Employeurs fut de communiquer de façon quasi quotidienne avec les syndicats des différentes catégories d’emplois. C’est ce qui a été fait au CIUSSS. Le Syndicat a été clair avec l’Employeur à de nombreuses reprises sur son appréciation de ces rencontres en conférence téléphonique intersyndicales. D’aucune façon ces rencontres n’ont fait en sorte que le Syndicat a entériné l’application des arrêtés ministériels. D’aucune façon les informations reçues n’étaient complètes, fiables ou fournies au bon moment.
Pour jouer adéquatement notre rôle de défense des intérêts de nos membres, le Syndicat doit avoir accès à des données adéquates. Le Syndicat doit aussi être partie prenante des décisions qui ont un impact sur les conditions de travail négociées de ses membres. Il était aussi plus difficile pour le Syndicat de jouer son rôle avec une équipe réduite. En effet, dès le 20 mars 2020, le Syndicat informait l’Employeur que la majorité des représentantes syndicales élues étaient disponibles pour faire cesser leurs libérations syndicales dans le but de prêter main forte sur le terrain. Les représentantes syndicales ont donc été à pied d’œuvre dans les différents milieux de soins jusqu’à la mi-juillet.
Nous craignons l’après-pandémie, en particulier pour les relations et le climat de travail. Certains centres d’activités ont été mis à l’épreuve pendant la pandémie, des gestionnaires ont pris des mesures draconiennes pour mettre en œuvre « l’arrêté 007 ». Malheureusement, des membres du Syndicat ont entendu des phrases comme « vous n’avez plus de Syndicat » et « je fais ce que je veux avec vous maintenant ».
La direction du CIUSSS devra agir avec fermeté pour bien faire comprendre aux gestionnaires que les conditions de travail des professionnelles en soins sont issues de décennies de négociation entre les parties. Que notre convention collective est mature et que le contrat social au Québec encourage la présence syndicale.
Si l’urgence sanitaire devait se prolonger, en raison d’une deuxième vague de la pandémie ou d’une mesure législative, nous avons espoir que l’Employeur aura appris de ses erreurs et que le bilan que nous présentons lui servira à identifier ses angles morts et ses défis futurs.
Françoise Ramel
Présidente par intérim, SPSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal
Bien avant la pandémie, le Syndicat était préoccupé par la flexibilité et la mobilité de la main-d’œuvre. Cette mobilité a été grandement facilitée par la fusion de la majorité des centres d’activités de la direction des Soins aux ainées en perte d’autonomie (SAPA). De plus, à peine le tiers de ces postes en prévention et contrôle des infections sont occupés. Il nous apparaît donc impossible de prévenir et contrôler les infections, encore moins de développer une culture de prévention.
« J’adore mon métier, mais je n’accepterai pas de contracter le virus si rien n’est fait afin de garder mon monde en sécurité. Je peux être porteuse sans le savoir. Je n’embrasse plus mes fils de peur de les contaminer. »
Témoignage #567 (6 avril 2020)Ratios professionnelles en soins-patients en PCI :
Ratios recommandés INSPQ | Ratios observés au CIUSSS | |
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CHSLD | 1 : 250 | 1 :911 (+364%) |
Centre hospitalier | 1 : 100-133 | 1 :143 (+8%) |
Au fil de la pandémie, le Syndicat a été laissé dans l’ombre par l’Employeur. Il aura fallu attendre 1 mois après le début de la crise, soit le 17 avril, pour que nous commencions à obtenir des informations claires permettant de comprendre l’état de la crise sanitaire au CIUSSS. En ce qui concerne le déploiement des mesures antisyndicales de l’arrêté 2020-007, le Syndicat n’a jamais obtenu le plan de l’Employeur. Dans la direction SAPA, 870 professionnelles en soins ont perdu des congés fériés ou des vacances entre le 26 avril et le 23 mai 2020.
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346 ont perdu des vacances pour la période d’hiver;
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362 ont perdu le congé férié de la fête des Patriotes (F12 – le lundi qui précède le 25 mai);
En dépit de questions insistantes du Syndicat dès le 5 mai 2020, le sort des vacances estivales n’a été connu qu’à la fin du mois de juin. Au moment de rédiger ce document, le Syndicat ne possédait pas le bilan des vacances annulées pour la période estivale 2020.
Les professionnelles en soins de la catégorie 1 sont celles qui ont été délestées dans la plus grande proportion. À la fin du mois d’avril, elles représentaient au moins 42% des salariées délestées au CIUSSS. Toutefois, ce n’est que le 5 mai 2020 que l’Employeur a rencontré le Syndicat pour présenter la séquence de délestage des salariées effectuée depuis le début de la crise sanitaire. Pour l’ensemble des 380 salariées du CIUSSS délestées à la fin du mois d’avril, seulement 11 avaient exprimé un refus d’être déplacées dont 5 professionnelles en soins, moins de 3% d’entre elles.
Pour le Syndicat, l’Employeur n’a pas été en mesure de soutenir et d’écouter les professionnelles en soins sur le terrain. Nous redoutons les conséquences à plus long terme sur les professionnelles en soins de ce laisser-faire. Nous ne connaissons pas les effets de la COVID-19 à long terme et les conditions d’exercice dans lesquelles les professionnelles en soins ont été placées pendant des mois ont causé un stress important qui prendra du temps à se résorber. La COVID-19 a durement frappé les membres du Syndicat : entre le 17 avril et le 9 juillet 2020, jusqu’à 16% de l’effectif de la catégorie 1, ou 628 personnes, était en arrêt de travail après avoir contracté le virus ou avoir eu des contacts à risque. Au Canada, environ 10% du personnel de santé a été infecté durant la pandémie.
En date du 28 juillet 2020, 43 professionnelles en soins ont été absentes plus de 40 jours! On compte aussi 286 absences de 21 à 40 jours et 167 de 20 jours et moins. Dans le cas des professionnelles en soins, la morbidité semble l’aspect fondamental à prendre en compte, avant la mortalité liée au virus. En calculant à partir de la moyenne de 27 jours d’absence, cela représente plus de 100 000 heures d’absence.
Les résidents en CHSLD ont été lourdement frappés par la COVID-19. La moyenne des taux d’infection dépasse 40%, le taux de décès 15% et le taux de mortalité 30%. Pour tout le CIUSSS, le bilan oscille autour des 450 décès.
Les pires taux d’infection du CIUSSS : |
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1. Yvon-Brunet : 75,6% |
2. Des Seigneurs : 69,6% |
3. Louis-Riel : 69% |
4. IUGM pav. Côte-des-neiges : 66,9% |
5. Champlain : 55,6% |
Les pires taux de mortalité du CIUSSS : |
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1. Yvon-Brunet : 52% |
2. Réal-Morel : 50,8% |
3. IUGM pav. Alfred Desrochers : 50,7% |
4. Jean-de-la-Lande : 48,5% |
5. Louis-Riel : 44,9% |
Recommandations du Syndicat
Recommandation 1 :
Développer une politique du lieu de travail unique afin de limiter les déplacements internes de personnel.
Recommandation 2 :
Améliorer les mécanismes de prise de décision et de communication interne afin de permettre une meilleure gestion de proximité
Recommandation 3 :
Réduire à sa plus simple expression les centres d’activités afin qu’il reflète la réalité quotidienne du travail.
Recommandation 4 :
Assurer la présence de gestionnaire dans chaque installation en tout temps.
Recommandation 5 :
Déployer une technicienne dédiée à la confection des horaires de travail pour chaque installation.
Recommandation 6 :
Doter tous les postes de conseillères en soins en prévention et contrôle des infections de façon à respecter les ratios de l’INSPQ.
Recommandation 7 :
Implanter des ratios sécuritaires professionnelle en soins/patients.
Recommandation 8 :
Constituer des réserves d’EPI et en fournir en quantité suffisante en tout temps.
Recommandation 9 :
Cesser la création et l’affichage de postes atypiques afin de miser sur des structures de postes comportant un maximum de postes simples.
Les Forces armées canadiennes (FAC) ont prêté main forte au personnel du CIUSSS pendant plusieurs semaines. Le CIUSSS a reçu l’appui de 105 militaires dans 3 CHSLD. Les FAC soulignent à plusieurs reprises dans leurs rapports les « besoins d’assistance dans la gestion de l’établissement » et une « difficulté dans la planification et la coordination du travail à faire ».
Le Syndicat défend la recommandation de la Société royale du Canada : il faut mettre en œuvre une « politique du lieu de travail unique ». C’est là la première étape vers de meilleures conditions d’exercice pour les professionnelles en soins et une qualité de soins supérieure pour les patients. Dans une étude récente, des chercheurs ont observé une diminution de 22% des décès liés à la COVID-19 pour chaque augmentation de 20 minutes de soins infirmiers directs aux patients en soins de longue durée. Pour obtenir ce genre de résultat, il faut des équipes complètes et stables. Nous terminons en ce sens : la stabilisation du personnel est l’élément clef pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, augmenter la satisfaction au travail, le sentiment d’appartenance et par le fait même améliorer la qualité et la sécurité des soins. Tant que la main-d’œuvre sera instable, il sera impossible de mettre en place et de maintenir des ratios sécuritaires.